Il y a les témoins du passé, piliers du futurs. Il y a le fardeau des belles années, recyclé, réemployé, transformé et sublimé.
Parfois immuable, il y a celles et ceux qui redonnent vie par l'art, au patrimoine made in Seine-Saint-Denis.
> Dans vos oreilles:
Prise de son et mixage: Emma Thebault et Clément Follet
Sur les murs et dans la terre, partout des pousses d’art...
A Saint-Denis, la Ferme Urbaine Zone Sensible accueille aussi des artistes qui cultivent des projets en résidence. Sur les murs d’une cabane de jardin comme le plasticien Nicolas Havette ou en faisant tourner une horloge à légumes comme Victor Remère. Deux « graines » très fécondes au cœur du projet du H-Lab.
© Anne-Emmanuelle Thion
© Anne-Emmanuelle Thion
©  Anne-Emmanuelle Thion
© Anne-Emmanuelle Thion
Centre de production d’art et de nourriture, Zone Sensible fait aussi pousser de l’art... Sur les murs d’abord. Dans une cabane de jardin aux murs sombres, l’artiste plasticien Nicolas Havette, en résidence artistique In Situ , raconte un peu de l’histoire de ce morceau de la Seine-Saint-Denis en travaillant avec des élèves du collège Barbara de Stains ou des habitués d’un centre social de Saint-Denis. A tous, Nicolas Havette, admirateur du travail du Britannique Hamish Fulton, « l’artiste marcheur », a demandé de glaner une photo extraite d’un album de famille ou bien le cliché d’un objet ou de détails urbains saisis au hasard d’une rue, d’un chemin. Une collection de souvenirs, d’instants passés qui est ensuite projetée sur les murs de la cabane peints en noir, avant que chaque participant ne choisisse l’image ou les images qu’il souhaite dessiner.
Sur les murs, les dessins et les traits à la craie, se croisent, se confondent, tracent « un mélange de souvenirs, une sorte de portrait chinois de l’espace social de celles et ceux qui l’ont composé.
Et lorsqu’il n’y a plus de place, on efface et on fait de la place pour d’autres souvenirs. Mais, l’idée, c’est qu’à la fin de mon intervention, tous les murs soient recouverts, un peu comme dans la grotte de Lascaux », sourit Nicolas Havette.
   

© Anne-Emmanuelle Thion

Une œuvre plastique et collective présentée à la rentrée de septembre qui « montre aussi la valeur relationnelle du projet du H-Lab, commente le philosophe Patrick Degeorges. Parce que les dessins sur ces murs sont des enchevêtrements de sensibilité. » L’idée, prolonge l’artiste en résidence, c’est que lorsque « les gens, les enfants dessinent les photographies des autres, ils commencent à se raconter, à parler de leurs expériences respectives. Et, peu à peu des liens se tissent... »
Des moments de rencontres et des destins croisés à la craie que l’artiste et photographe a intitulé « Fortunes » -en référence aux poèmes de Robert Desnos- déjà saisis en résidence dans les villes de Tainan à Taiwan, Zhengzhou en Chine ou à Arles. « Mais, pour moi, expose Nicolas Havette, l’idée de « fortune » renvoie davantage à la valeur d’usage qu’on attribue aux choses et non pas à leur valeur marchande. » 
C’est d’ailleurs un peu le même concept qui fait tourner l’horloge à énergie des légumes qui trône au soleil du H-LAb lorsqu’on ressort du noir de la cabane de Nicolas Havette.
    

© Anne-Emmanuelle Thion

Conçue par le plasticien Victor Remère, elle « donne une heure qui est très aléatoire, mais ce n’est pas le plus important, raconte ce dernier. Elle donne surtout le temps du vivant et des saisons puisqu’elle est alimentée par l’énergie des patates, des agrumes ou des betteraves. Et puis, avec sa grande roue, elle épate un peu les visiteurs par son côté spectaculaire et son aspect gai et coloré. Après, les gens lui donnent l’interprétation qu’ils veulent. »
Grandi en partie en Haute-Marne dans le village rural de Clinchamp où il avait l’habitude de nourrir les lapins de son grand-père, l’artiste trentenaire en « résidence Ile-de-France » n’est pas dépaysé par le site dyonisien où il a installé son horloge dès 2018. Une création simple mais avec quand même avec un peu de technique : « C’est juste le souvenir de mes cours de chimie, assure-t-il. En fait, l’énergie provient de baguettes de cuivre et de zinc qui échangent leurs électrons grâce aux végétaux qui font office de conducteurs. Mais, la capacité électrique des légumes est limitée, donc le fonctionnement de l’horloge s’articule avec le temps des récoltes agricole de Zone Sensible. » 
Bête comme chou mais surtout inspiré par la « sensibilité » de Victor Remère au « genre artistique de la nature morte. » Ce qui l’a d’ailleurs amené lors d’une autre résidence à Shanghai à « brancher des fruits et des légumes reliés à des leds sur un marché populaire de la ville. Une installation qui provoque immédiatement l’échange avec les gens ! »
Une sorte d’art conducteur..

Fred Haxo
Machine à remonter le temps.
Bond dans le passé maraîcher de la Seine-Saint-Denis
grâce aux archives du Département de la Seine-Saint-Denis
> Arpenter plus loin:
Écouter le podcast In Seine-Saint-Denis "En mouvement" à la ferme ouverte de Saint-Denis, ici.
Plus de cartes postales du passé maraicher, ici.
Le saviez-vous ?
Ouvrage n°93.
La Carte archéologique de la Gaule est une collection d’ouvrages scientifiques éditée par l’Institut de France. Au compteur, plus de 130 volumes, inventaires par départements, de tous les sites archéologiques français datés entre 1000 avant J.-C. et 1000 après J.-C. La Seine-Saint-Denis a son volume, paru en 1998.
Pépites archéologiques du territoire:
La Basilique Saint-Denis et sa nécropole mérovingienne, une villa gallo-romaine à Tremblay-en-France, les deux seuls ateliers de métallurgie du bronze connu en France pour l’Âge du Bronze à Aubervilliers, la grande nécropole du plein Ve siècle après J.-C. de Bondy, l’occupation gauloise et gallo-romaine de Bobigny, dont la nécropole du IIIe siècle avant J.-C.
> Arpenter plus loin:
Une parcelle du bout de la presqu'île de l'Île-Saint-Denis, témoin du passé industriel de notre territoire: Lil'O. Aujourd'hui, cette parcelle reprend vie. On y fait pousser des fleurs made in Seine-Saint-Denis, on y forme des hommes et des femmes éloigné.e.s de l'emploi autour des nouveaux métiers de la terre et on y prend du bon temps.
Ecoutez "Sous les déchets, la plage de Lil'O, technosols et fleurs d'Halage", le dernier épisode des podcasts Villes, Vivants d'Emma Thebault contributrice d'Arpenter, diffusés sur la radio locale Causes Communes.
   
Design graphique: @Antje_Welde / Voiture 14
Back to Top