Bagnolet. Aubervilliers. Aulnay-sous-Bois.
Un point en commun : leur échangeur. Des questions : quels échanges, humains, matériels, visuels, a-t-on sur ou sous un échangeur ? Les bretelles se connectent-elles ?
Ces mille-feuilles laissent-ils circuler les flux ? L’échange sur ou sous l’échangeur est-il fait pour durer ?

©Bruno Levy

Conversation majeure sur l’échangeur...
 

Perchés au 17e étage d’une des tours Mercuriales qui surplombe l'échangeur de la Porte de Bagnolet, Yassine El Kherfih et Etienne Delprat, cofondateurs de YA + K ont choisi « d’échanger sur l’échangeur » avec le philosophe et urbaniste Marc Armengaud. Presque une conversation entre voisins puisque le co-fondateur de l’agence de reconfiguration territoriale AWP vit à Montreuil.
    
»Pour commencer cette interview croisée, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous avez voulu, littéralement, vous pencher sur ce « mastodonte » de béton construit entre 1966 et 1969 ?  
Marc Armengaud D’abord parce que le In Seine-Saint-Denis et Arpenter nous ont réunis... Et puis, avec le collectif YA+K, ce qui nous rapproche, c’est d’aller vers une diversification des familles d’urbanistes dans le sens où chacun à son échelle fait en sorte de sortir de la posture des théoriciens de l’urbanisme qui appliquent une idée parfaite, un dogme. Ce qui fait déjà un bon point de départ pour se pencher sur cet échangeur...
Yassine El Kherfih D’ailleurs, cet échangeur de la Porte de Bagnolet porte aussi en lui le mot « échange ». Et, au moment où il y a un projet en cours pour couvrir cet échangeur, ce qui nous intéresse c’est de savoir précisément ce qui se passe sous l’échangeur. Pour être installé à Bagnolet avec YA + K depuis 7 ans et avoir « testé » à plusieurs reprises cet échangeur et ces différentes bretelles et passerelles d’accès, on sait maintenant qu’elles permettent, en fait, très peu d’échanges. Les bretelles sont le plus souvent vides, et lorsqu’on les observe d’en haut, comme nous sommes en train de la faire, on peut assez vite cerner où se font les échanges et où ils ne se font pas. Et ça, c’est très important alors que se profile un futur projet d’enfouir ou de faire disparaître cet échangeur.
Etienne Delprat Pour rebondir sur ce qui vient d’être dit, si on est aussi ici au 17e étage des Mercuriales, c’est pour réfléchir ensemble sur un territoire, sur la Porte de Bagnolet et le quartier Gallieni, qui ont été pensés par le haut et ont connu un premier crash au moment de la crise pétrolière. Il faut bien comprendre que cet échangeur s’est vu brutalement stopper dans l’idéal qu’il incarnait, celui d’une idéologie, d’un urbanisme de la modernité. Donc, dans ce numéro d’Arpenter qui est consacré au « ciment », on voulait confronter nos points de vue avec Marc Armengaud sur le passé et l’avenir de cet échangeur de Bagnolet incarné par tout un tas d’infrastructures de dalles de béton.
…ce qu’on peut faire de cet héritage bétonné, comment on s’en empare…
Enfin, et toujours pour revenir au thème -le ciment qu’on assimile au béton- de ce numéro d’Arpenter, l’idée de notre discussion est bien de voir ce qu’on peut faire de cet héritage bétonné, comment on s’en empare, comment on ne va pas forcément vers une logique de tabula rasa. Et comment, surtout, on peut aller vers une quête d’un nouveau ciment en partant de la réalité de ce site.
> Arpenter + loin : replongez dans les archives et maquettes de l’échangeur de Bagnolet tel qu’il a été pensé avant même sa sortie de terre. Ici.
> Arpenter + loin :  Tournée des tiers-lieux. Le 6b se fait le porte-voix de la Seine-Saint-Denis en accueillant les 25 et 26 mars une journée débats et réflexions autour du thème « Habiter en commun ». En savoir +

Parole de la carte blanche :
Pascal Nicolas Le Strat, 
Travail du commun et
expérimentations politiques

> Dans vos oreilles:
Lecture d'un extrait des chroniques de Pascal Nicolas Le Strat, "La Plaine" publiées en novembre 2021 chez Ours Editions. Lecture d'un extrait de la chronique "Traverser la rue"

Mise en son: Delphine Thebault, In Seine-Saint-Denis
Musicscreen,Gouttes, Hicham Chahidi

« Lorsque nous avons dû engager la réflexion relative au contenu de ce numéro et cette recherche utopique du nouveau ciment de la fabrique urbaine du XXIème siècle, nous nous devions d’interpeller un penseur singulier qui a nourri depuis ses débuts notre approche : Pascal Nicolas Le Strat.
Arpenteur et chercheur en Seine Saint Denis, directeur du Laboratoire expérience, ce penseur discret, généreux pédagogue, exigeant dans sa pensée et intransigeant dans son éthique déploie depuis de nombreuses décennies une pensée qui outille de nombreux acteurs de l’urbain.
Sa pensée, souvent critique vis-à-vis des institutions et surtout des technocraties qui les contaminent, a néanmoins toujours su préserver des espaces de possibles tant que ceux-ci assument et acceptent  la conflictualité et la prise de risques, les dynamiques oppositionnelles qui savent les faire bouger.
A cet endroit, les notions et concepts d’expérimentation et de commun aident, comme deux matrices critiques, à poser des repères pour celles et ceux qui tentent de faire bouger les lignes dans la fabrique instituée de la métropole contemporaine.
Son dernier livre illustre cette approche qui interroge celle surplombante et hors-sol que l’on croise chez un certain nombre d’acteurs de la fabrique métropolitaine actuelle. Ce penseur de l’expérimentation (qu’il a placée au cœur de ses échanges avec les architectes, artistes, militants…), fondatrice de notre approche, déploie depuis quelques années une réflexion autour de la notion de commun devenue si à la mode.
La pertinence de cette notion qu’un certain nombre ont perverti dans sa portée critique, transformatrice et émancipatrice constitue une étape nécessaire dans cette recherche du ciment du XXIème siècle. Pascal Nicolas Le Strat nous outille à cet endroit au travers de ces ouvrages et nous sert de modèle dans une posture d’humilité. Nous souhaitions donc partager son travail. »
En résonance et en cohérence, du point de vue de la méthode, il a toujours travaillé au rez-de-chaussée de la ville, cherchant à « faire voisinage », actif mais à l’écoute des lieux.
> Arpenter + loin : Faouzi Derbouz arpente le territoire, et particulièrement la Seine-Saint-Denis la nuit. Loin de la pollution, avec d’autres marcheurs, il comprend, connaît le territoire, déchiffre ses limites et apprend à randonner avec. Ecoutez le podcast En mouvement qui lui est dédié juste ici.

> Arpenter + loin : le site de Pierre Nicolas Le Strat, ici.
Bibliographie :
Le Travail du commun, édition du commun

Expérimentations politiques
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
©Laure Vasconi
© Laure Vasconi
Photographe
Le Galion - Aulnay-sous-Bois / 2018
xx

Parole de la carte blanche :
« Après un philosophe et un sociologue, nous nous devions d’ouvrir un dialogue avec l’art, outil de récit, d’émancipation et de transformation participant de cette construction d’imaginaires communs et d’identités partagées.
Le travail de Laure Vasconi, photographe, va bien au-délà de l’image photographique et donne à voir toute la complexité que l’art peut nous aider à saisir et raconter le territoire.
Pour notre part, nous parlons, avec Estelle Dzong Mengual d’un art commun pour définir, toujours partiellement, ces pratiques artistiques qui travaillent toute la matière immatérielle qui fabriquent la ville et participent à faire exister un « Nous », complexe et hétérogène, point de départ à toute construction collective.
YA+K a toujours tenté d’explorer le potentiel de l’art pour faire exister ce commun nécessaire à la nouvelle fabrique urbaine.
Dans son projet autour de la démolition de la cité du Galion à Aulnay-sous-Bois, Laure Vasconi nous montre comment l’art peut aider à faire récit et donner corps à une mémoire collective, à une véritable histoire pour faire face à la violence de certaines transformations urbaines, tenter d’en cicatriser les plaies… Face à ce travail, on pense au grand mot du philosophe Booba : « Les vainqueurs l’écrivent, les vaincus racontent l’histoire ». »
> Ouvrir l’œil : Raphaële Bertho, présidente de la troisième édition du concours photo Territoire(s) organisé par le In Seine-Saint-Denis et la MC 93 co-signe avec Denis Martouzet l’article « Habiter le Grand Paris : trois essais photographiques pour inventer un imaginaire partagé » dans la revue Perspective. L’un des trois essais est le travail et le regarde de Laure Vasconi. L’article, par là.
> Arpenter le travail de Laure Vasconi, ici.
> Arpenter + loin : Pour ouvrir ce panorama d’artistes, explorez le travail du collectif Sirènes. Entre urbanisme sensible et spectacle vivant, elles hybrident les formes et médiums pour nous raconter autrement les territoires… Par là.
cc
Design graphique: @Antje_Welde / Voiture 14
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