Le ciment, c’est un liant qui sert notamment à la fabrication du béton, qui rime avec bâtiment imposant, urbanisation, construction et qui est là : héritage immobile qu’il faut repenser.
Le ciment, c'est aussi le ciment social, comme la farine d'un gâteau. Sans lui ça ne prend pas. Il est aussi celui qui lie les humains et façonne les synergies.

©Bruno Levy
Le ciment ?
Un thème complexe
« Lorsque l'équipe du In Seine-Saint-Denis nous a proposé cette notion polysémique, nous avons de suite pensé à la « sensibilité » du sujet, au cœur de nombreuses polémiques, à laquelle on s’exposait. Quand on parle de ciment dans le champ de l’urbanisme, on pense de suite au matériau qu’il permet de créer : le béton.
Le ciment matériel constitue ce « mélange pulvérulent, de couleur grise, composé principalement de chaux et de silice, obtenu par cuisson, qui, gâché avec de l'eau, forme une pâte plastique, durcissant tant sous l'eau qu'à l'air, utilisée comme liant ou comme matière première. »
Néanmoins si on explore ses autres définitions, certaines se saisissent des caractéristiques physico-chimiques de cette matière comme des images et métaphores :
«Ce qui relie fortement, rapproche, consolide : Le ciment d'une amitié.» « [...] A- Ce qui rapproche, unit : L'attention à la santé, au bonheur et à la valeur d'un être, non pas permanente, mais toujours retrouvée au sortir de ce qui n'est pas elle, cette attention est une sorte de ciment qui se glisse dans tous les interstices d'une vie, en lie les éléments plus ou moins disparates, lui donne la cohésion et par suite la solidité. Montherlant, Les Lépreuses,1939, p. 1458. » «Ce qui est solide, durable. Dur comme du ciment»
De quoi parlons nous en premier lieu depuis nos pratiques d’architecte, urbaniste et artiste ?
Quelles matières -matérielles ou immatérielles- souhaitons nous aujourd’hui collectivement travaillé, tout particulièrement sur le territoire de la Seine Saint Denis ?
En effet, le ciment est au cœur de nombreuses critiques et mouvements de contestation actuels et renvoie à son industrie, certains grands projets urbains « de bétonisation » à l’œuvre actuellement, y compris en Seine Saint Denis.
Cette « arme de construction massive » (Anselme Jappe) fait légitimement l’objet de résistance, de blocage et d’opposition. Largement plébiscité dans la construction et par nombre de façonneurs (maçonneurs ?) de nos villes, le ciment incarne une manière de produire la ville : capitaliste, extractiviste et hors-sol. En tant qu’architecte et urbaniste, nous nous devons de nous positionner face à cette réalité et assumer un rapport de force et des contradictions. En tant que collectif, les débats sont nombreux en interne quant à la posture à adopter.

« Ce qui relie fortement, rapproche, consolide: Le ciment d'une amitié. »
©Bruno Levy
©Bruno Levy
Évoquer le ciment devrait donc incarner de suite une posture critique, à moins que son jugement soit à tempérer en fonction de sa prise en compte dans le réel de pratiques et des transformations et évolution urbaine, sociale et culturelle déjà à l’œuvre en Seine Saint Denis. Celle-ci hérite du ciment coulé pendant le XXème siècle, ère du « tout béton » et ouvre le XXIème dans des logiques d’urbanisation similaires : réalisation d'immenses infrastructures, tabula rasa et reconstruction, densification
par la suppression des tissus existants… Face à ce constat, notre position est relativement claire :

Nous nous attachons à penser le ciment comme un héritage matériel et symbolique de la Seine-Saint-Denis, et partons en quête de ce ciment 2.0, nouveau liant d’une fabrique urbaine.
Qui assume et fait avec l’héritage bâti, culturel et sociologique de la Seine Saint Denis.

Si on se saisit ensuite de l’image du ciment comme liant, on est face à un problème technique et conceptuel de fond. Il est un composant qui agrège et qui fige, qui scelle et parfois enferme à l’heure de la circularité et de la résilience. Il interroge notre discipline à l’origine de sa production et de la pensée théorique qui l’accompagne : quelle est la capacité de l’architecture à accueillir l’imprévu et plus globalement l’autre, à s’adapter et à se renouveler ?
Pour envisager le ciment dans toute sa richesse polysémique nous proposons dans ce numéro d'explorer certaines alternatives concrètes mais aussi une pensée du ciment plus immatériel, celui qui lie une communauté, appréhender le ciment comme une matière sociale, souple et élastique piochant dans l’univers biologique. Ainsi pensé, le ciment permet la création de communautés qui font corps et créent des espace-temps de résistances sur le territoire explorant des modes de production de la ville différent, que Jana Revedin propose de définir comme «radicante ».  Pour cette nouvelle façon de faire, la Seine Saint Denis a constitué et constitue encore aujourd’hui un terreau et un territoire d’opportunité…»
ff
Caravana Obscura:
prendre le temps
de la mutation
Lolita Bourdet, photographe, s’est installée à Saint-Denis au croisement de la rue Ampère et de l’allée de Seine, le temps d’une journée en janvier dernier. Elle y a posé sa Caravana Obscura, une caravane transformée en appareil photo géant et équipée d’un laboratoire argentique.
Objectif : en partenariat avec la Solideo et le In Seine-Saint-Denis, immortaliser autour d’un temps photo long, les portraits de celles et ceux qui vivent la mutation de leur quartier.
Habitant.e.s, travailleur.se.s du quotidien, compagnons bâtisseurs... Ils ont accepté d’entrer dans la Caravana Obscura, de découvrir aux côtés de Lolita le processus de fabrication de la photo : placement, temps de pause, passage de bac en bac pour figer image et couleur...
Immobilisme.
Venant ainsi faire écho aux transformations vertigineuses et éclairs que connait leur quartier.​​​​​​​
Lolita a ensuite mis bout à bout ces portraits pour une photo représentative de celles et ceux qui arpentent cette place, témoins du changement.
© Lolita Bourdet

Lolita Bourdet, coup de cœur 2021 de Territoire(s), concours photographie organisé par la MC93 et le IN Seine-Saint-Denis, par ici.
Prise de son: Delphine Thebault pour le In Seine-Saint-Denis
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
© Sophie Loubaton
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© Arthur Crestani
Photographe
Série réalisée en Seine-Saint-Denis depuis 2014

© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
© Arthur Créstani
« Arthur porte un regard singulier sur les paysages du département. Ces photos révèlent la puissance plastique des infrastructures et architectures, parfois incongrues, qui les composent mais aussi toute la poésie que les pratiques habitantes et présence du vivant y déploient. »
> Arpenter + loin: découvrir le travail d'Arthur Crestani, par ici.
Design graphique :
@Antje_Welde / voiture 14.com

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